Pie VII et le Docteur Claraz


Au sommaire 

Le Docteur Claraz et le Pape Pie VII
Comment Pie VII faillit mourir au Mont-Cenis
Comment en 1812, le Docteur Claraz sauva la vie du Pape Pie VII au Mont-Cenis
Biographie du Docteur Claraz
Biographie du pape Pie VII


Le Docteur Claraz et le Pape Pie VII

Gregoire-Barnabe Chiaramonti, pape sous le nom de Pie VII, était né à Cesene (Forli) en 1742. Il mourra à Rome, des suites d'une chute accidentelle, en 1823. Lors de cet épisode, il est âgé de 70 ans. Parti de Savone, le 10 juin 1812, le pape, en mauvais état de santé est accompagné par son médecin, le docteur Porta.

Ce n'est qu'en 1814, aux premiers temps de la restauration, que le docteur Claraz rédige une lettre relatant son rôle auprès du pape, pendant son séjour et son transfert, du Mont-Cenis à Fontainebleau. En juin 1995, la "Biblioteca Apostolica Vaticana" indiquait à la famille que cette lettre était entrée en 1831, au British Museum de Londres, avec un lot de papiers en italien et en français, concernant " La déportation en France de Pie VII ". Le Vatican lui-même n'en avait pas connaissance.



Portrait du pape Pie VII par Jacques-louis David (1748-1825). Musée du Louvre



Plaque commémorative visible à l'entrée du Musée de la Pyramide au Mont-Cenis en Savoie
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Comment Pie VII faillit mourir au Mont-Cenis

En ce soir du 9 juin 1812, Dom Gabet, abbé de l'Hospice du Mont-Cenis, se trouvait dans la petite résidence de Suse que Napoléon avait offerte aux moines pour leur servir de maison de repos. Souffrant gravement d'une de ces terribles crises d'asthme qui se succèdaient chez lui depuis quelques années, le bon religieux avait été contraint de quitter momentanément son poste et se voyait condamné à garder la chambre. A côté de lui, se tenaient Dom Dubois qui lui prodiguait des soins filiaux et M. Voguë son homme d'affaires.

Ce dernier étant sorti pour expédier une lettre aperçut dans la nuit, devant l'auberge de la poste, deux voitures, dont une avait ses rideaux baissés, qu'entouraient un peloton de gendarmes et quelques curieux attirés par ce spectacle insolite. Voguë, voulant savoir quel était le personnage que l'on conduisait ainsi, prit à part la femme de l'aubergiste et la questionna.

- C'est, répondit-elle tout bas, le Pape que l'on emmène prisonnier.

Voguë courut aussitôt annoncer l'incroyable nouvelle à Dom Gabet.

- Quoi ! s'écrira celui-ci, est-il possible qu'on traite de la sorte le chef de l'Eglise !

Oui, le mystérieux prisonnier qui, à cette heure tardive, traversait Suse en cet équipage était bien le Souverain Pontife, Pie VII, que l'on venait d'enlever en grand secret de Savone pour le conduire à Fontainebleau. Napoléon, de Dresde où il se trouvait alors, avait minutieusement réglé cet enlèvement.

" Toute mon armée est sur la Vistule, avait-il écrit le 21 mai au prince Borghèse. Les hostilités ne sont pas encore commencées. Venant d'apprendre que les vaisseaux anglais sont devant Savone, je pense qu'il est nécessaire de mettre le Pape en sûreté. En conséquence, vous chargerez le préfet et le commandant de la gendarmerie de faire partir le Pape avec ses gens dans deux bonnes voitures. Le Pape aura son médecin dans sa voiture. Les précautions seront prises pour qu'il traverse Turin de nuit, qu'il ne s'arrête qu'au Mont-Cenis, qu'il traverse Chambéry et Lyon de nuit, et qu'il soit ainsi conduit à Fontainebleau, où les ordres seront donnés pour le recevoir. Je m'en rapporte à votre prudence et à celle du commandant de la gendarmerie. Ayez soin que la voiture du Pape soit bonne, et que les précautions convenables soient prises. Il ne faut pas que le Pape voyage en habits pontificaux, mais seulement en habits ecclésiastiques, et de manière que nulle part, excepté au Mont-Cenis, il ne puisse être reconnu. A moins d'événements, cette mesure n'est pas tellement urgente que vous ne puissiez envoyer chercher le préfet de Montenotte, pour concerter avec lui ce départ. Vous transmettrez la lettre ci-jointe au duc de Lodi. Je lui écris qu'il vous envoie à Turin, l'Archevêque d'Edesse ; vous lui ferez connaître de ma part que vous avez une mission à lui confier ; et, aussitôt que vous aurez appris que le Pape sera à une poste au delà de Turin, vous l'enverrez rejoindre. Il se placera dans la voiture du Pape et l'accompagnera pendant le reste de la route... Je désire que le plus grand secret soit gardé. "

Le Général Savary, duc de Rovigo, ministre de la Police, en possession de semblables instructions, avait veillé de Paris à ce que les ordres de son maître fussent fidèlement exécutés. Le 26 mai il avait adressé une longue lettre au Prince Borghèse, lui donnant sous forme de conseils, conseils qui, pour ce dernier, valaient des ordres, tout un plan pour le passage du Pape au Mont-Cenis. Il invitait son Altesse Impériale à faire fermer le passage du Mont-Cenis dès que le Pape serait arrivé à Turin, pour qu'il " ne soit devancé par aucun avis de son prochain passage qui ne manquerait pas de nous attirer quelques scènes sur la route ".

Pour diriger les opérations, le duc de Rovigo envoyait secrètement deux officiers de la gendarmerie d'élite dont l'un, M. Halloin, au Mont-Cenis, l'autre, M. Garbet, à Lanslebourg. Aussitôt que le Prince Borghèse aurait donné l'ordre de fermer le passage, M. Garbet veillerait à ne laisser passer personne se rendant en Italie, à l'exception de l'estafette et de la malle, mais si un voyageur se trouvait dans celle-ci, il l'en ferait descendre ; quant à M. Halloin il avait pour mission de " balayer le Mont-Cenis de tous les voyageurs étrangers, militaires isolés, et autres, qui pourraient se trouver dans le monastère, les auberges, à la poste ". " De cette manière, disait le ministre de la Police, le couvent du Mont-Cenis sera libre et, conformément aux instructions de l'Empereur, le Pape pourra s'y reposer et y être reconnu sans inconvénient ".



Napoléon 1er


Le 9 juin, au début de la nuit, le Préfet de Montenotte, M. de Chabrol, était venu annoncer au Pape que, sur l'ordre de L'Empereur, il allait devoir partir dans quelques instants pour la France. Pie VII reçut avec calme cette nouvelle. Sur les instances du Préfet et du capitaine de gendarmerie, Lagorsse, chargé de le conduire à Fontainebleau, il accepta de changer de costume pour éviter d'être reconnu. Seulement, comme l'avouera lui-même, quelques heures plus tard, le capitaine Lagorsse, ces messieurs n'avaient, dans la précipitation du départ, oublié qu'une chose, c'est de préparer les vêtements nécessaires pour le déguisement. L'ingénieur en chef qui était dans le secret fut acheter un chapeau et, faute de souliers, le Préfet et le capitaine de gendarmerie enlevèrent eux-mêmes les croix d'or brodées sur les mules blanches, et, saisissant une bouteille d'encre, ils les teignirent en noir. Comme le prouve la suite de l'histoire, et quoi qu'on en ait dit, le Souverain Pontife avait conservé sa soutane blanche, et, dans sa lettre du 10 juin 1812, le Préfet déclare : " Le Pape se vêtit en redingote blanche, avec une croix d'Evêque. Il nous promit qu'il ne descendrait pas pour ne pas être reconnu ".

A minuit, Pie VII, accompagné du Préfet et de Lagorsse, était sorti par une porte dérobée de son Palais-prison de Savone. Il faisait une nuit très sombre. De l'autre côté de la rue, presqu'en face, se trouvait une remise où l'on avait caché la voiture dont les roues étaient munies de chiffons et dont les chevaux étaient déferrés pour éviter tout bruit sur les pavés de la ville. Le Pape était alors monté dans sa voiture, accompagné de son médecin, le docteur Porta, et, silencieusement, dans la nuit, l'équipage pontifical avait traversé la ville et prit la route de Turin.

Le cortège, composé de deux voitures (la seconde était occupée par l'aumônier et le valet de chambre du Pape) et encadré d'une petite escorte de gendarmes, était passé à Campomarone où il avait dû par manque de chevaux, séjourner plus que de raison ; à Voltaggio où le Pape s'était trouvé souffrant, on avait dû faire halte durant une heure. Pour rattraper le temps perdu, Novi avait été traversé au galop ; et l'on ne s'était point attardé à Turin de crainte que le Pape n'y fût reconnu. Enfin, après avoir traversé les 50 kilomètres de plaines qui séparent Suse de la capitale du Piémont, le convoi était parvenu au pied des Alpes. Il y avait plus de 22 heures que le Pape était en route.

Dom Gabet, profondément ému par la nouvelle que venait de lui apporter Voguë, pria Dom Dubois d'aller voir lui-même ce qu'il en était. Bientôt celui-ci revint, la nouvelle n'était que trop vraie et, en cet instant, le convoi se préparait à partir. Dom Gabet décida aussitôt de rejoindre coûte que coûte son poste pour recevoir le Souverain Pontife et lui offrir le témoignage de sa piété filiale en réparation de l'affront que lui faisait subir celui-là même qui l'avait placé, lui, Dom Gabet, à la tête de cette maison. Il commanda à Voguë d'aller quérir sans tarder des chevaux. Après une longue attente, Voguë revient sans avoir pu trouver un seul cheval au relais de la poste ni même au village : tous ont été réquisitionnés par les gendarmes. On découvre enfin une paire de mules, Dom Gabet peut ainsi se mettre en chemin.

Le convoi pontifical, pendant ce temps, avait pris de l'avance ; il suivait la nouvelle route et gravissait les lacets qui, à flanc de montagnes, monte en zig-zag au-dessus de Suse. Il n'allait pourtant pas vite et s'arrêtait à chaque moment, car le Souverain Pontife endurait d'atroces souffrances. Pie VII était depuis quelque temps atteint d'une maladie des voies urinaires et, chaque fois qu'il voyageait, il éprouvait de la rétention. Il faisait preuve d'un incroyable courage, mais ses souffrances étaient telles que le capitaine Lagorsse craignait à chaque instant de le voir s'évanouir. Après des heures cruelles pour le Souverain Pontife, angoissantes pour ceux qui l'entouraient, les voitures atteignirent l'hospice du Mont-Cenis entre 2 et 3 heures du matin. Personne ne savait rien, et les religieux virent avec effroi descendre le Pape de sa voiture dans un tel état qu'ils crurent " que le Saint-Père allait rendre sa belle âme à Dieu ".


Hospice du Mont Cenis Cliquer sur le lien pour l'agrandir


Aussitôt, suivant les ordres donnés, le Mont-Cenis fut balayé, tous les gendarmes s'y employèrent, mettant à la porte de l'hospice les étrangers qui s'y trouvaient, consignant dans leurs maisons tous les cantonniers et habitants du plateau. Cependant, Dom Gabet approche. M. Voguë, qui précède sa voiture de quelques minutes, se heurte soudain à un barrage de gendarmes. Ordre formel a été donné de ne laisser passer personne. Voguë demande à parler au brigadier. - Je suis au service de l'Hospice du Mont-Cenis. Dom Gabet, mon maître, me suit à deux pas pour rentrer chez lui, et je vais lui faire préparer ses appartements.

Dom Gabet, lui-même, se voit arrêté par les gendarmes. Il doit, à plusieurs reprises parlementer. Aussi n'arrive-t-il devant l'hospice qu'au petit jour. La porte est close. En vain les arrivants frappent-ils avec énergie. Elle s'entrouve enfin. Un brigadier paraît : il a l'ordre de ne laisser entrer personne.

- Monsieur, lui dit l'abbé, je suis Dom Gabet, directeur de cet hospice. Je ne reconnais à personne ici le droit de m'empêcher de rentrer chez moi.

Et, d'autorité, il entre, suivi de Voguë. Le Souverain Pontife avait été installé dans une des chambres royales par les soins des religieux. Dom Gabet y monte, mais là un piquet de gendarmes l'arrête.

- Quoi ! dit l'Abbé prenant son ancien langage militaire, mon général est ici, et je ne pourrais lui offrir mes services ? Où est votre colonel ? Je veux le voir.

Lagorsse exprime à l'abbé son regret de ne pouvoir le laisser entrer : les ordres sont formels.

- Vous avez des ordres ? reprend l'abbé. J'en ai d'autres, moi, avec des droits supérieurs aux vôtres. L'Empereur m'a placé ici, à la tête de cette maison ; j'entends rester maître chez moi. Et d'ailleurs, l'Empereur peut-il trouver mauvais que je rende à mon père, à mon premier chef, les services qu'ici même j'ai rendus à sa Majesté ?

- Monsieur l'abbé, ma responsabilité est trop grande : il n'y va pas de ma fortune seulement, mais de ma vie...

Alors, Dom Gabet, haussant le ton et accompagnant ses paroles d'un geste impérieux : 

- Colonel, vous direz à Napoléon que Dom Gabet en a répondu sur sa tête.

Impressionné, le capitaine Lagorsse cède. L'abbé pénètre dans la chambre et se jette aux pieds du Saint-Père, qui se trouvait assis dans un fauteuil. Pie VII le bénit, le relève et lui dit en l'embrassant :

- Mon fils, vous voyez le vicaire de Jésus-Christ traité comme son divin Maître...

L'heure marquée pour le départ arrive. Le docteur Porta informe le Capitaine Lagorsse que son prisonnier n'est pas en état de reprendre la route. Le capitaine écrit à Turin pour avertir le Prince de la situation où il se trouve. " Tout irait bien, lui dit-il, si la santé du Saint-Père n'était un obstacle invincible. J'ai eu besoin de quelque adresse et d'une patience infinie pour arriver heureusement ici. J'ai trouvé dans le Pape une force d'âme qui a aplani des difficultés majeures... Son médecin vient de me faire des observations judicieuses ; je les juge telles parce que je suis témoin oculaire et bien sûr qu'elles ne sont point exagérées ".

Le Docteur Porta estime qu'il faut 3 ou 4 jours de repos et des soins. Alors seulement il sera possible de reprendre la route. Dans ces conditions le capitaine Lagorse propose de rouvrir le passage du Mont-Cenis, qui ne peut demeurer si longtemps fermé, tout en ne laissant passer que dix personnes à la fois.

" Votre Altesse impériale décidera ce qu'elle jugera convenable : j'attends ses ordres avec empressements. Pour que le reste de mon voyage se passe avec plus de sécurité, ajoute-t-il, j'ai besoin d'éloigner du costume du Saint-Père tout ce qui peut indiquer son rang, et, dans la précipitation d'un premier départ, je n'ai pu me le procurer. Je vous prie de donner des ordres pour que je reçoive, par mon courrier qui rapportera vos ordres, les effets dont la note est ci-joint ".

Une estafette monte à cheval et part au galop pour Turin, mais la route est longue et difficile jusqu'à Suse, le prince Borghèse ne sera informé qu'à la fin de l'après-midi et sa réponse ne parviendra au Mont-Cenis qu'au milieu de la nuit.

Lentement la journée se passe. Le capitaine Lagorsse est anxieux. Il a grand'hâte de recevoir un ordre qui dégagera sa responsabilité. Le Mont-Cenis est désert ; nul voyageur ne monte vers son sommet, et, en cette journée de juin, nul berger ne fait paître son troupeau dans les prairies du plateau ; tous les habitants sont enfermés dans leur demeure. La nuit tombe et l'état du Pape ne fait que s'aggraver. L'appartement du Roi et celui de la Reine se composaient chacun de deux pièces : une chambre et une antichambre. Pie VII est là, étendu dans la pièce principale, veillé par Dom Gabet et le docteur Porta. Le capitaine Lagorsse, ne voulant pas abandonner son prisonnier, a élu domicile dans la pièce voisine. Le Pape ne dort pas, il souffre et la fièvre augmente.

Dans le silence de la nuit et de la montagne, on perçoit au loin le galop d'un cheval, le bruit se précise, il approche.

Le courrier arrive de Turin. Quel ordre apporte-t-il ?

A la lueur d'une chandelle, le capitaine Lagorsse lit la réponse du prince Borghèse :

" J'apprends avec une peine infinie que vous ne croyez pas à la possibilité de continuer votre route. Si vous vous arrêtez au Mont-Cenis le but de votre mission est absolument manqué en ce qui concerne le secret tant recommandé par l'Empereur et par les instructions que vous avez reçues. Je sens toute la difficulté de votre position mais je ne puis que vous engager à partir aussitôt après le retour de votre courrier ". Le Prince n'envoie pas les objets demandés. " Ils vous sont inutile, dit-il, si vous partez, et ils le sont également si vous retardez votre départ, car toute précaution sera superflue quand le secret de votre voyage sera divulgué. Ce secret est connu à Suse, où le Pape a été reconnu ; il le sera à Lanslebourg, si M. Halloin a laissé passer un seul homme, et bientôt toute la France en retentira ".

Le Prince ne voit que des inconvénients à rouvrir le Mont-Cenis et il conclut : " Partez ; mais si vous le jugez absolument impossible, envoyez moi de suite un autre courrier ". Il télégraphiera alors au ministre si le temps le permet. Cette lettre si bien faite pour obliger Lagorse à partir, tout en dégageant la responsabilité du Prince si un malheur se produisait affola le capitaine. " J'apprends avec une peine infinie... Votre mission est manquée... secret tant recommandé par l'Empereur...bientôt toute la France en retentira... Je ne puis que vous engager à partir... Partez ! " Et demain, s'il ne part pas, le ministre de la police, son grand chef, en sera informé... Quelle ne sera pas alors la colère du Duc de Rovigo ! Partez ! Eh bien ! oui, il va partir coûte que coûte. Mais le Pape est très mal, le docteur Porta déclare que son état ne permet pas de reprendre la route. Pie VII dit lui-même devant M. Halloin, l'envoyé du duc de Rovigo, qui est venu apporter son avis : " Je ne peux partir ; si vous voulez me tuer, vous êtes le maître ".

Alors Dom Gabet, indigné, pénètre dans la chambre où Lagorsse délibère : 

- Vos ordres vous ordonnent-ils donc de faire mourir votre prisonnier en chemin ?

- Qu'est-ce à dire : s'écrie le capitaine d'un ton courroucé.

- Le Pape est moribond, il ne peut absolument se remettre en route aussitôt, sans s'exposer à une prochaine mort, et vous en seriez responsable, non seulement devant l'Empereur qui n'a pas donné un tel ordre, j'en suis sûr, mais encore devant toute l'Europe et le monde civilisé.

Le coup a porté... Oui, quelle responsabilité si le Pape venait à mourir en chemin... Il relit la lettre de Turin où l'astucieux Prince lui a laissé tout le poids de la décision : Partez ! mais si vous le jugez absolument impossible... " Il rédige alors la réponse que voici : 

" Mont-Cenis, 13 juin à 3 heures et demie du matin.

" Mon Prince,

" Le repos que le Pape a pris n'a pas suffi pour rétablir sa santé. Il est plus mal qu'en arrivant et d'une faiblesse extrême, la fièvre va en augmentant. Je ne puis l'impossible et le Pape m'a déclaré qu'il se jetterait sur la route et demanderait à y expirer...Mon prince, ma position est bien terrible ".

Vers la fin de la nuit ou le début du jour, en ces heures où les malades, après une mauvaise nuit, trouvent généralement un peu de repos, vers ce moment, le Souverain Pontife dut pouvoir dormir quelques instants et, dans la matinée, il se trouva mieux. Lagorsse, qui n'avait pu complètement abandonner son projet de partir, en profite pour tenter de faire lever Pie VII, mais celui-ci ne peut tenir debout. Cette fois, le Capitaine est convaincu : " Il est hors de toute possibilité de se mettre en route, va-t-il écrire dans quelques instants au Prince Borghèse ".

En effet, à deux heures de l'après-midi du 13 juin, le Capitaine reprend sa plume. L'accalmie a été de courte durée. " ... J'annonce à votre Altesse que le mal qui s'était un peu relâché augmente ". Le docteur Porta lui-même est fort inquiet et demande une consultation. " Le médecin souhaite ardemment, pour son honneur, que l'état du malade soit constaté par des hommes de l'art. Il a juré sur son honneur, en ma présence, qu'il ne jugeait pas qu'il fût possible de le porter vivant à 50 lieues d'ici ". Il estime qu'une telle maladie peut être mortelle même chez un homme jeune. Dans le bulletin de santé que Lagorsse, dans son affolement, avait oublié de joindre à sa lettre de 3 h. 1/2 du matin et qu'il envoyait maintenant, le docteur Porta décrivait le mal et prétendait avoir obtenu quelque amélioration dans l'état du malade en donnant à celui-ci " une once de pulpe de casse, " de " l'eau de veau " comme boisson et en ayant recours à des " fermentations et à des émulsions de semences de melon, avec un peu de sirop de violettes ".

En réalité, ce Porta est d'un piètre secours : appointé par Napoléon, c'est plutôt un espion qu'un médecin. Dom Gabet s'en est vite aperçu : il propose au Pape de faire venir le Dr Claraz, le médecin de l'hospice qui demeure à Lanslebourg. Pie VII le désire, mais Lagorsse s'y oppose. " On me demande un médecin avec des sondes, des seringues et des bougies. On m'a proposé celui de Lanslebourg ; mais un déplacement ferait trop de sensation, et je désire que vous daigner envoyer de Turin un homme sûr et habile le plus promptement possible ".

Pendant ce temps, le Pape continue à souffrir, la douleur est si forte que, malgré tout son courage, elle lui fait jeter de hauts cris... Tandis qu'on attend les ordres de Turin, à Turin on attend les ordres de Paris. Le Prince Borghèse a télégraphié au duc de Rovigo...

A l'Hospice c'est le silence impressionnant des demeures où gît un mourant ; les religieux vont et viennent à pas précautionneux et les seuls bruits qui retentissent par intervalles sont les hauts cris que la douleur arrache au Souverain Pontife. Au début de la nuit, le mal s'aggrave, la fièvre augmente, le Souverain Pontife n'en peut plus. Sur son lit qui paraît devoir être son lit de mort, il prie pour ses persécuteurs et remet à Mgr Bertazoli son anneau en lui disant : " Pour mon successeur, pour le futur Pape ". Il semble bien que ce fut dans cette nuit, aux premières heures du 14 juin, et non dans la matinée du 15 comme l'ont dit certains documents, que Pie VII demanda le viatique et l'extrême-onction qu'il reçut avec une admirable résignation des mains de Dom Gabet.




Au petit jour arrive le courrier de Turin. Le Prince Borghèse, n'ayant reçu aucun ordre de Paris, ne se compromettait pas : " Faites pour le mieux " se contentait-il d'écrire. Et toujours aucune réponse au sujet du médecin demandé. Le capitaine Lagorsse réclame pour la troisième fois un chirurgien, un homme habile et de confiance.

" Mont-Cenis, 14 juin 1812, 3 heures après-midi.

" Mon Prince,

" Quels que soient les ordres qui viendront de Paris, il est impossible de songer à se mettre en route.

" Le Pape n'a pas dormi ; la vessie est enflammée ; le voyage la gangrènerait et, sans être médecin, on peut prévoir un accident funeste. D'ailleurs, on porterait en vain le voyageur dans la voiture ; il lui serait impossible d'en supporter le mouvement.

" Il faut songer au rétablissement. Il me paraît de la plus haute convenance d'envoyer ici tous les secours de l'art ; je vous réitère, mon prince, la prière de m'envoyer un chirurgien habile et de confiance, avec des sondes, des seringues et des bougies. La chose presse ".

" Quels que soient les ordres qui arriveront de Paris... " Pauvre capitaine Lagorsse ! il ne se doutait pas qu'à l'heure où il écrivait cette phrase, ces ordres étaient arrivés depuis une heure à Turin et que, déjà, galopait dans la plaine piémontaise une estafette qui lui apportait des ordres auxquels il n'oserait résister . Voici ce que, de colline en colline, de montagne en montagne, les bras du télégraphe avaient transmis de Paris à Turin : 

" Le Capitaine ne peut, dans aucun cas, rester au Mont-Cenis. En conséquence, il faut qu'il fasse faire un lit dans la voiture et qu'il y mette son malade. Je vous envoie une estafette avec des instructions, pour le cas où il ne serait pas parti ". Le Prince Borghèse s'était hâté de transmettre au courrier copie de cette dépêche, puis, plus soucieux de ses intérêts que de la vie et des souffrances du Souverain Pontife, il s'était mis à sa table pour rédiger une lettre afin de tirer son épingle du jeu. Il rappelait au duc de Rovigo que, ponctuellement, il lui avait fait part des événements, qu'il lui avait fait connaître les demandes du capitaine Lagorsse et l' " ordre itératif " qu'il lui a donné de partir. " Vous voyez, écrivait ce cauteleux personnage, avec combien de suite et de persévérance j'agis dans le sens de vos vues. Si le Capitaine ne part pas, il est seul responsable ; il vous rendra compte de sa conduite ".

Quelques jours plus tard, le Prince expliquera cyniquement au Duc de Rovigo pourquoi il a laissé souffrir atrocement le Pape pendant trois jours sans lui envoyer un médecin compétent : " Si j'avais envoyé moi-même quelqu'un de Turin, j'aurais eu l'air de partager l'opinion du Capitaine sur l'impossibilité de soutenir sa route. Peut-être, voyant une condescendance, aurait-il hésité à se conformer aux ordres ultérieurs par lesquels vous lui disiez que, dans aucun cas, le Pape ne pouvait s'arrêter au Mont-Cenis ".

Pour compléter le tableau il faut citer ces lignes du Comte O. d'Haussonville dans l'Eglise Romaine et les Négociations du Concordat :

" Nous nous rapellons avoir entendu raconter à M. Pasquier qu'étant allé un matin chez son Supérieur hiérarchique, le duc de Rovigo, il le trouva en proie à une agitation si visible qu'il ne put s'empêcher de lui demander quelle en était la cause.

- Ah ! le Pape, qui, à l'heure qu'il est, se meurt peut-être dans l'hospice du Mont-Cenis !

- Quoi ! le Pape ? reprit le préfet de police, mais comment se trouve-il là ? 

Alors M. de Rovigo raconte ce qui était arrivé et comment il avait reçut un courrier expédié par le Commandant Lagorsse. " Et dire, s'écria le duc de Rovigo dans sa colère, que c'est le Prince Borghèse, un prince romain, qui ne consent pas à accorder au Pape un jour de repos ! Il sera cause de sa mort sur cette montagne, et l'on m'en accusera, et l'on dira que c'est moi qui l'ai tué ! Quel effet dans l'Europe entière ! L'Empereur ne me le pardonnera jamais ! "




L'ordre inhumain arrive au Mont-Cenis à la fin du jour. Le Prince Borghèse l'a accompagné de ces mots : " D'après cette réponse, vous pouvez juger si je puis être tranquille tant que je vous sais au Mont-Cenis. Le chirurgien de Suse ou celui de Lanslebourg doit vous suffire ".

On peut deviner l'effet que fit à l'hospice cet ordre de départ et ce qu'en dut penser Dom Gabet. Mais le plus pressé était de mander le docteur Claraz. Le capitaine Lagorsse se décide enfin à envoyer un homme à Lanslebourg, un cantonnier, qui descend le plus vite qu'il peut au village. Il trouve le médecin et lui remet le mot que voici : " Prenez la poste, rendez-vous de suite au Mont-Cenis et muni de vos sondes pour tirer l'urine ; c'est un cas très urgent ". En hâte le docteur Claraz se rend à la poste où, par bonheur, il trouve un excellent cheval qui, en moins d'une heure, le conduit au Mont-Cenis.

Dom Dubois le fait entrer dans la chambre du capitaine Lagorsse qui, aussitôt, lui demande s'il a apporté ses sondes. C'est que le capitaine Lagorsse a bien oublié sa phrase : " Quels que soient les ordres qui viendront de Paris ". Non, maintenant il n'y a plus à discuter. S'il a mandé le chirurgien de Lanslebourg c'est pour qu'il pratique la douloureuse opération et qu'aussitôt après on se mette en route. Mais auparavant il croit nécessaire d'effrayer le médecin : " Vous allez voir un malade, je ne vous dis pas qui il est : vous le connaîtrez ; mais si vous venez à le publier, tremblez...Il y va de votre liberté et peut-être de votre vie ". " De telle menaces ne m'effrayèrent point, déclare le docteur Claraz dans sa relation, bien certain qu'il ne viendrait jamais à bout de me faire trahir ni mon devoir ni ma confiance ".

Le docteur Porta entre à ce moment et met son confrère au courant : tous deux tombent d'accord sur la maladie et ses conséquences. D'ordre du Capitaine, Claraz pénétre dans la chambre du malade ; il reconnaît aussitôt le Saint-Père " à son aspect vénérable ; il était pâle comme un mourant ; il avait la fièvre et souffrait de douleurs continuelles sans pouvoir dormir ". Après examen, le chirurgien de Lanslebourg espère pouvoir éviter la douloureuse opération. Il va employer les rémèdes en usage en pareil cas : lavements, cataplasmes émollients, fomentations, boissons antiphlogistiques. Ce qu'il faut surtout au malade, c'est le repos.

Mais lorsqu'il expose au Capitaine son diagnostic et ses prescriptions, Lagorsse ne se montre pas du tout satisfait. Il en tient pour l'emploi de la sonde, car il veut partir sans retard. " Je redoublai de courage pour m'y opposer, écrit Claraz, en lui observant que le repos joint aux remèdes employés suffirait pour obtenir la guérison de Sa Sainteté ". Le Capitaine ne veut rien entendre, déclarant que les ordres sont rigoureux et qu'il ne peut s'attarder davantage. Alors le docteur Claraz, qui n'était pas un trembleur comme les de Rovigo, le Borghèse ou les Lagorsse, mais un caractère comme Dom Gabet, s'écrie : " Monsieur le Colonel, si le conseil que je viens d'avoir l'honneur de vous donner n'est pas suivi, si le Saint-Père est obligé de faire un pas de plus hors d'ici, ce sera plus que de la violence à son égard, ce sera de la barbarie ; il n'y résistera pas et il succombera infailliblement ; je l'atteste sur ma foi et mon honneur, comme homme et comme médecin, vous vous exposerez à n'entraîner qu'un cadavre à Paris, et vous assumez sur vous la plus grande responsabilité ".

Les paroles énergiques produisaient de l'effet, nous l'avons déjà vu, sur le Capitaine. Du coup il ne parle plus de partir le soir même. On se demande avec angoisse ce que serait devenu l'infortuné Pontife s'il n'avait pas rencontré au Mont-Cenis des hommes dévoués et énergiques comme Dom Gabet et son ami le docteur Claraz.

Grâce aux médications, le Pape souffrit moins durant la nuit ; il put dormir par intermittences. Le lendemain matin, lundi 15 juin, ayant vu de bonne heure le Saint-Père et l'ayant trouvé " plus tranquille ", le docteur Claraz en rendit compte à Lagorsse qui aussitôt, naturellement, lui demanda si le malade était en état de reprendre la route. Non, sans doute le danger était moindre mais, en chemin, les symptômes alarmants pouvaient reparaître sans qu'il fût alors peut-être possible d'y porter remède.

Mais Lagorsse se rappelait les mots de la dépêche : le Capitaine ne peut, dans aucun cas, rester au Mont-Cenis. Non, il ne saurait tarder davantage ; Le Docteur voit que toute insistance est inutile ; il se résigne, mais il déclare " avec émotion " que, si l'on part, il faut près du Pape un chirurgien avec ses instruments.

- Vous me suivrez, répond aussitôt le Capitaine d'un ton sévère.

A partir de cet instant le docteur Claraz se trouva lui aussi, prisonnier et sa famille ne put être avertie de son départ pour Fontainebleau que plusieurs jours après.

Pie VII pouvait se demander s'il arriverait vivant à Fontainebleau, il se prépara au grand voyage. Il fit célébrer dans son antichambre le Saint Sacrifice par son aumônier. Dom Gabet avait installé lui-même l'autel et préparé les ornements. Le Pape communia en viatique. " Enfin Sa Sainteté avait fait le sacrifice de sa vie avec une résignation telle qu'elle n'aurait pu montrer plus de sérénité de visage et d'esprit si elle eût été conduite, le même jour, en triomphe à Rome ".

A l'issue de son entretien avec le docteur Claraz, le Capitaine Lagorsse l'avait emmené dans les remises de l'hospice où se trouvait garée la voiture du Pape, pour se rendre compte si, conformément aux ordres de Rovigo, on pouvait y installer un lit. Oui, la chose était possible et, aussitôt, les religieux de l'hospice se mirent au travail ; ils composèrent une couchette aussi confortable qu'ils purent et la garnirent de draps, d'une petite couverture et d'un couvre-pied duveteux.

Alors seulement, voyant qu'enfin on pourrait bientôt quitter le Mont-Cenis, le Capitaine qui, depuis l'arrivée des ordres de Paris, avait passé par bien des transes, se décida à répondre au Prince Borghèse : 

" Mont-Cenis, 15 juin, 3 heures après-midi.

" Mon Prince, 

" Quand les ordres sont absolus, l'homme dévoué ne raisonne pas. Je partirai, à la nuit faite. Cette affaire est de si haute politique que j'aurais désiré qu'il eût été possible de recevoir des ordres souverains.

" Tant que les ordres m'ont paru susceptibles de modifications, j'ai été inquiet ; ils sont inexorables, je reprends mon sang-froid. Je prévois de grands obstacles ; je les écarterai de mon mieux. Puissent tous les accidents ne retomber que sur moi. Il n'est pas de sacrifice auquel je ne sois prêt pour mon maître ".

Le Prince Borghèse avait omis d'envoyer les vêtements demandés avec insistance par le Capitaine, mais Dom Gabet avait déjà mis à l'œuvre des religieux qui confectionnèrent les objets de lingerie dont le Pape était dépourvu et celui-ci voulut bien accepter une soutane que lui offrit un moine et que mit à sa taille un gendarme qui était plus ou moins tailleur.

C'est sans doute au cours de cette journée que se serait passée une scène que ne conte point dans ses relations le docteur Claraz, mais qui fut narrée par son fils à l'auteur de la Légende Pontificale. Comme le Souverain Pontife changeait de linge, un riche chapelet garni de pierres précieuses s'échappa d'une chemise que déployait le docteur Claraz, le Pape dit alors avec un sourire : " C'est là, aujourd'hui, monsieur le docteur, toute ma richesse ; je suis apostoliquement : sans pain, ni argent, ni même deux tuniques ; n'est-ce pas cela ? Vous que le très bon abbé de cette maison vient de me donner pour médecin et pour compagnon de voyage, en ajoutant que vous étiez un bon chrétien de ce pays, acceptez ce souvenir que je bénis ainsi que vous afin que le ciel vous comble de ses dons avec votre famille ".

La nuit était venue, une belle nuit d'été, mais fraîche en ces régions élevées. Autour du Mont-Cenis, dans les herbages du plateau : silence et solitude, car tous les habitants étaient confinés en leur demeure. " On ne voyait aucune lumière, dit le docteur Claraz, parce que le crime et la turpitude cherchent toujours les ténèbres ". 

Tout était prêt pour le départ, les chevaux attelés aux deux voitures, et les gendarmes, leurs montures sellées, attendaient, dans la cour de l'hospice, le moment de se mettre en route. Cependant le Saint-Père n'était pas encore habillé. Monseigneur Bertalozzi, le docteur Porta, le valet de chambre aidaient le Saint-Père mais il était si faible que les jambes ne pouvaient le soutenir. A cet instant le docteur Claraz entra. " O déchirant souvenir... " s'écrie-t-il en revoyant le tableau dans sa pensée.

Enfin, le Pape se trouva habillé, mais, pour sortir dehors par cette nuit où passe le vent froid venu des proches glaciers, il n'est pas assez vêtu. Le docteur Claraz court chercher un gilet tricoté tout neuf qui appartient à un des religieux et en revêt Pie VII, on le couvre encore d'un froc de couleur grise qu'il avait apporté de Savone. Deux gendarmes le portent alors dans sa voiture où il se couche.

Dom Gabet dit adieu au Saint-Père ; celui-ci le serre sur son cœur, l'embrasse plusieurs fois, le remerciant de tous ses bons soins et le couvre de bénédictions.

Alors le capitaine Lagorsse donne l'ordre de départ : les voitures s'ébranlent, encadrées de l'escorte de gendarmes et, au grand trot, le triste convoi s'en va vers l'Ile de France.

Pierre de Crisenoy " Le Correspondant 25 mai 1936 "







Comment en 1812, le Docteur CLARAZ sauva la vie du Pape Pie VII au Mont-Cenis


Copie intégrale du rapport du Docteur Claraz, en respectant l'orthographe
Original : British Muséum de Londres.


Termignon (en Savoie) le 15 7bre 1814
A Monsieur l'Avocat louis
Cereghelly secrétaire de la maison
Du Saint-Père à Rome

Monsieur.
Reçu le 1er 8bre 1814
par le Bureau de la Poste, à Rome
à qui j'en ai délivré le reçu


La lettre infiniment interefsante dont il vous a plu m'honnorer, à la date du 7 août dernier, a éprouvé tant de retard en route, que je n'ai pu y répondre plus-tôt ; les exprefsions qui l'accompagnent m'ont également frappé de plaisir et d'étonnement ; De plaisir, en m'apprenant que le Souverain Pontife, toujours guidé par la seule boussolle de la divine providence, est enfin rendu au Saint-Siège apostolique, aux vœux de toute la chrétienté et aux miens en particulier. Après avoir été longtemps le jouet du déchainement de toutes les passions Réunies, et des orages politiques : De Surprise ; par les questions que la même lettre pose, et auxquelles Monseigneur. Bertasol et le Docteur Porta, médecin de Sa Sainteté, peuvent, sans doute, satisfaire mieux que moi et avec plus connaifsance des faits.

Cependant, sans chercher à pénétrer les motifs qui vous ont déterminé à m'accorder des marques distinctives de votre confiance, en me demandant un rapport particulier Sur l'objet, je me fais un devoir empressé de vous l'adresser Sous l'égide de la Vérité que je me suis uniquement proposé pour base de ma réponse.

Après son départ de Savonne, le Saint-Père arriva à Suze le jeudi, au soir, onze juin 1812 : Malgré la pénible course qu'il venait de faire, accablé de chagrin, de fatigue et des douleurs d'une strangurie, il lui fallut continuer Sa route, au caprice de l'itinéraire confié à ses conducteurs, au lieu de pouvoir prendre quelque repos que son état exigeait : Avant d'arriver au Mollaret, il se sentit des fréquentes envies d'uriner, et souffrait cruellement ; on fut obligé d'arrêter la voiture plus de quarante fois, pour lui donner le temps de satisfaire à ces besoins, mais c'était inutilement, et les douleurs augmentaient ; C'est au milieu de toutes ces souffrances, que Sa Sainteté parcourue la route du Mollaret, lieu de poste entre Suze et le Mont-cenis jusqu'à l'hospice établi sur cette montagne, où elle arriva le vendredi entre les deux et trois heures du matin et dans un état tel, suivant le rapport que m'en firent les religieux, qu'ils crurent, et ce n'était pas sans fondement, que le Saint-Père allait rendre sa belle ame à Dieu, et finir sa douloureuse carrière.

Je n'étais pas à l'hospice quand le S. P., y arriva, je ne sçais conséquemment point comment il était habillé, mais l'on m'a dit qu'il l'était de noir ; il descendit au couvent où il fut reçu par les Religieux qui s'y trouvaient, ou plus-tôt, par D. Dominique Dubois, procureur de l'hospice qui le logea dans la chambre spécialement réservée à Napoléon. à l'arrivée du S. P. toute la gendarmerie de la garnison fut mise sur Pied par ordre du Capitaine Lagorse ; Toutes les maisons des propriétaires, les refuges et même l'hospice furent exactement visités, tout ce qui était étranger, même les voyageurs logés à l'hospice furent obligés d'évacuer, de suite, le mont-cenis et de se retirer à Suze où à Lans-le-bourg, les cantoniers seuls et les habitans naturels du Mont-cenis furent dispensés de s'éloigner, mais ils dûrent rester consignés et confinés dans leurs habitations.



Collection privée de Gilbert Pilloud


Quinze jours avant tout ce mouvement, deux officiers de la gendarmerie nommés Allouen et Garbet s'étaient rendu, par ordre du ministre de la police, le premier à l'hospice du Mont-cenis où il mangeait, et le second à Lans-le-bourg, l'un et l'autre gardèrent le plus grand silence et un secret impénétrable sur l'objet de leur mission, jusqu'à l'arrivée du S. P. au mont-cenis qui fut, dès lors fermé sur tous les points et muni de gardes, toute communication y fût interceptée pendant quatre jours, sauf pour les estafettes et les courriers de qui on ne pouvait rien sçavoir parce qu'ils ne sçavaient rien eux mêmes sur la cause de ces précautions bizarres.

Monsieur Gabet Abbé de l'hospice du Mont-cenis, se trouvait à son couvent de Suze lorsque sa Sainteté y passa, et sur l'avis qui lui fut donné de cet événement par la femme d'un aubergiste qui reconnut le Saint-Père malgré son travestissement forcé, Mr l'Abbé partit sans hésiter pour se rendre à l'hospice du Mont-cenis pour l'y recevoir lui-même, mais la Précipitation avec laquelle le S. P. était conduit et toutes les entraves que cet Abbé rencontra, de la part des gendarmes déguisés qui l'arrêtaient à tous les pas pour sçavoir qui il était, et où il allait, le mirent dans le cas de ne pouvoir arriver à l'hospice qu'avec beaucoup de peines, et deux heures après sa Sainteté. Cependant le Saint-Père souffrait sans relache les douleurs les plus aigues, malgré tous les soins que lui donnait son habile Médecin : le Capitaine Lagorse croyant que Sa Sainteté serait plus-tôt guérie par le moyen de la sonde, demanda aux religieux s'il n'y avait point de chirurgien à l'hospice, et comme j'étais le leur dans le besoin, D. Dubois me proposa, et aussitôt on dépêcha un cantonier qui m'apporta une lettre signée et conçue en ces termes. " Prenez la poste, rendez-vous de suite au Mont-cenis et muni de vos sondes pour tirer l'urine ; C'est un cas très urgent. Je partis à la hâte, et à l'aide d'un excellent cheval qu'on m'avait donné à la Poste de Lans-le-bourg, je fis les trois lieues dans moins d'une heure : après être descendu de cheval à l'hospice du mont-cenis, où chacun se regardait sans oser rien dire, D. Dubois m'introduisit dans la chambre du Capitaine Lagorse qui me demanda si j'avais apporté mes sondes, et lui ayant répondu qu'oui, eh bien, ajouta-il, asseyez vous ".

Vous allez, continua-t-il, voir un malade, je ne vous dis pas qui il est, vous le connaitrez ; mais si vous venez à le publier, tremblez... il y va de votre liberté, et peut-être de votre vie.

De telles menaces ne m'éffrayerent point, bien certain qu'il ne viendrait jamais à bout de me faire trahir mon devoir ni ma confiance : sur ces entrefaites Monsieur le médecin de S. S. entra, il me fit le rapport de la maladie de S. P. nous tombames bien d'accord, Mr le Docteur et moi, sur la cause de cette maladie et les suites funestes qu'elle pourrait avoir ; le Capitaine nous ayant donné ordre de visiter S. S. nous obéimes sans hésiter ; je reconnus dabord le successeur de St Pierre à son aspect vénérable, il était pâle comme un mourant, il avait la fièvre et souffrait des douleurs continuelles sans pouvoir dormir ; ses urines qui ne coulaient que goutes à goutes, étaient rouges, preuve d'une grande inflammation ; la vescie n'était pas tendue, ce qui me fit espérer qu'on pourrait peut-être épargner, à S. S. l'opération douloureuse de la sonde : on lui donna des lavemens, l'application des cataplasmes amolliens, les faumentations, les boissons antiflogistiques et tous ce que l'art indiqué furent mis en usage, mais il fallait autre chose qui était la principale pour sa guérison, c'était le repos, Et c'est ce dernier remède que je craignais, avec raison de ne pouvoir pas obtenir.

Après notre visite, nous rentrames, Mr Porta et moi, dans la chambre du Capitaine à qui je fis la relation de ce que j'avais observé, et le détail des remedes comme du régime qu'il fallait employer pour la guérison de S. S. le Capitaine insista sur l'opération de la sonde comme remede plus expéditif, et toujours bien d'accord avec Mr Porta, je redoubla de courage pour m'y opposer en lui observant que le repos joint aux remedes employés suffisaient pour obtenir la guérison de S. S. Le Capitaine me répondit que ses ordres étaient rigoureux et pressans, et qu'il ne pouvait pas s'arrêter davantage : je lui répliqua que, dans cet état, il ne conduirait pas le S. P. bien loin, et qu'indubitablement il périrait en route. Mr Lagorse parut très inquiet de mon observation, et il ne fut plus question de partir le Dimanche : S. S. passa une nuit moins souffrante, elle sommeilla par intervalle, les urines coulerent un peu plus abondamment : je vis le S. P. le lundi de bonne heure, et je le trouva bien plus tranquille : J'en fis ma relation au Capitaine qui parut en être content ; il me demanda si je croyais que le Saint-Père fut en état de partir ; je lui répondis que le danger était moindre, mais qu'en se mettant en route tous ces simptomes allarmans pourraient reparaitre sans qu'il fut peut-être alors possible d'y apporter remede.

Le Capitaine me demanda ensuite s'il n'y avait point de précautions à prendre pour éviter le danger dont je lui parlais, J'insista encore sur le repos ; il me reppeta alors qu'il lui était impossible de séjourner plus longtemps. A cette sentence si cruelle pour sa Sainteté et si pénible pour mon cœur, je dis avec émotion au Capitaine que puisqu'il voulait absolument partir, il lui fallait avoir : 1° un chirurgien avec les instrumens de son art, pour secourir Sa Sainteté dans le besoin, aussitôt il me dit ; d'un ton sévère ; " Vous " me suivrez : je reçu cet ordre avec autant de plaisir que d'empressement, dans l'espoir de pouvoir être utile à sa S. S. en cas de besoin. Ensuite je proposa de voir si sa voiture était assez spatieuse pour y arrenger un petit lit, le Capitaine se rendit aussitôt avec moi dans la remise, et il trouva que la voiture était susceptible de contenir ce petit lit de douleur, mais il manquait un matellas, et les religieux donnerent des coussins, des draps, une petite couverte et un couvre-pieds duveteux. Après ce court préparatif, il fut convenu que nous partirions le lundi au soir, 15 juin : Il me fut expressement défendu de le dire au S. P. mais transgressant volontiers ces ordres barbares, j'en avertis Mgr Bertasol. Le S. P. qui avait fait célébrer le St Sacrifice de la mefse par son aumonier, dans son antichambre, sur une table préparée en forme d'autel par Mr L'abbé Gabet qui seul avait eu la permifsion de voir S. S. et fournit les ornemens nécefsaires, le Samedi, le Dimanche et le Lundi, se prépara à ce pénible voyage, il communia ce dernier jour, en forme de Viatique, avec cette ferveur qui distingue et caractèrise les ames justes. Enfin S. S. avait fait le Sacrifice de sa vie avec une résignation telle qu'elle n'aurait pu démontrer plus de Sérenité de visage et d'esprit si elle eut été conduite, le même jour, en triomphe, à Rome... .

La journée se pafsa très tranquillement : tout était prêt : les ordres étaient donnés : toute la Gendarmerie de la garnison était sur pieds : Tous les habitans étaient retirés : on ne voyait aucune lumière (parce que le crime et la turpitude cherche toujours les ténèbres) ; les chevaux étaient atellés à la voiture ; mais hélas ! le S. P. n'était pas encore habillé ! ô déchirant souvenir !...

Son valet de chambre, son médecin et Mgr Bertasol le descendent de son lit, si faible que ses jambes ne pouvaient pas le soutenir ; j'entrai dans la chambre de S. S. on lui avait mis ses caleçons, je m'aidais à lui mettre ses bas, tout était empaqueté, la nuit était très froide et le S. P. n'avait point de gillet, il fallait descendre dans la rue presque en bras de chemise, à l'instant je courus prendre chez le père Dominique un gillet neuf tricotté, et j'en habilla le S. P. on lui mit ensuite un frac sur les épaules, de couleur grise, et c'est dans cet équippage que les deux officiers de la gendarmerie le conduisirent à sa voiture, S. S. se coucha dans le lit de misere et de douleur qui y avait été préparé.

Mr Porta se plaça à ses cotés et nous partimes sans autre consolation que l'afsurance d'emporter les regrets de toutes les personnes manquantes du Mont-cenis et du canton de Lans-le-bourg principalement de n'avoir pu offrir à S. S. le tribut de leur amour et de leurs hommages les plus respectueux et lui exprimer leurs vives doléances sur les procédés barbares dont on usait envers S. S. car toutes les précautions que l'on avait prises pour laisser ignorer au public, son arrivée et sa détention au Mont-cenis, n'avaient fait que confirmer les premiers bruits qui s'en étaient répendu ; et qui aurait dit que toutes les mesures extraordinaires étaient employées à l'égard d'un seul homme sans armes, sans secours et a demi-mort ?......Mon frère l'Abbé Claraz, Monsieur Molin curé de Lans-le-bourg chez qui il demeure , Mr Davrieux directeur du passage du Mont-cenis mon ami particulier, tous les prêtres de la vallée et en général tous les fidèles attachés au St-Siège de Rome et à la cause de la Religion, étaient pénétrés de douleur et de consternation, de voir traiter ainsi le Souverain Pontife, Mais hélas le ciel le faisait passer ainsi, Par les humiliations, pour le conduire au triomphe le plus éclattant.

Depuis son départ du Mont-cenis, le lundi 15 juin à 10 heures du soir, le Saint-Père n'est plus descendu de sa voiture jusqu'à fontainebleau. Notre premiere station se fit dans un mauvais cabaret à St-Julien, on y prépara du chocolat pour le S. P. il le prit, et un verre d'eau fraiche.

Ensuite : les deux officiers de la gendarmerie ne nous quittaient pas d'un pas ; personne ne pouvait approcher de la voiture : je demanda au S. P. comment il se trouvait après cette premiere course, il me répondit qu'il ne se sentait pas plus mal, et Mr Porta avait observé qu'il avait même reposé par intervalle : Depuis ce moment, je ne désespérais plus de pouvoir l'accompagner en vie à fontainebleau. Rien de remarquable ne se passa depuis lors : Nous arrivames à Chambery à 10 heures du soir, car le Capitaine Lagorse avait la précaution de ne jamais entrer dans les grandes villes que de nuit, Et s'il faisait encore jour quand il en approchait, il donnait ordre aux postillons de n'aller qu'au Petit pas. Dans toutes les villes où il y avait des gendarmes, ils ne manquaient point de se trouver aux lieux de Postes avec leurs sabres et leurs habits d'uniforme. Arrivés à Coux, la premiere poste après Chambéry, Mr Porta se trouvant extremement fatigué, le Capitaine me fit prendre sa place, j'en demandais la permission à S. S. qui me l'accorda avec bonté, et depuis, cet heureux moment, j'eu le bonheur d'être à ses côtés et de faire tout ce qui pouvait dépendre de moi pour lui épargner des souffrances, au moindre signe, je faisais arrêter les chevaux, je le relevais, et pendant qu'il rendait l'urine, j'arrangeais du mieux possible son pauvre lit : j'avais soin d'ouvrir les glaces de la voiture pour donner de l'air : je me munissais d'une bouteille d'eau fraiche que je changeais à toutes les postes, un peu de sirop de violettes avec de l'eau était la boifson du S. P. il avait, dans la voiture, une petite bouteille d'alkermea, je le priai d'en prendre quelques goutes, ce qu'il fit, et je vis avec plaisir que cette liqueur bienfaisante lui relevait un peu les forces.

Le bruit du pafsage du S. P. s'était répendu dans tous les villages sur la route, et nous y rencontrions une affluence de monde : à la Tour du Pin, une femme assez hardie porta une main à la portière et l'autre au rideau de la glace et le déchira involontairement à un coin. à la poste à Bron les habitans se sont également rassemblés, et entr'autre un prêtre avec son Surplis, et une femme habillée en religieuse qui tenait, sur un bras, un enfant, et de l'autre un crucifix :

Je descendis un instant de la voiture et on saisit le moment où j'y remontais, pour y jeter un bouquet de roses que je présenta au S. P. qui le reçut avec plaisir.

On avait donné des ordres particuliers et plus rigoureux pour entrer à Lyon ; parce que le Capitaine craignait cette ville, et il avait raison, car à mon retour, et quand l'on a sçu que le S. P. y était passé et malade, les habitans de cette ville, sécrierent unanimement, pour témoigner leur regret, si nous l'avion sçu nous ne l'aurions pas laissé aller plus loin. Avant d'entrer à Lyon le Capitaine descendit de sa voiture et monta sur le siege avec Hylaire vallet de chambre de S. S. il donna ordre aux postillons d'aller aussi rapidement qu'ils le pourraient, et de sortir de Lyon pendant que la voiture de Monseigneur l'archevèque et celle des deux officiers de la gendarmerie allaient relayer à la Poste. Le pafsage de Lyon fut douloureux pour le S. P. Le pavé qui était inégal, joint à la rapidité avec laquelle l'on faisait aller les chevaux occasionna un cahotage affreux ; Je fus obligé de tenir avec une main, la tête du S. P. pour lui éviter les contre-coups de la voiture, et je lui mis l'autre sur l'estomac. Quand nous eumes traversés Lyon, et lorsque les chevaux s'arrêtèrent, S. S. me demanda si ce chemin était fini, Je lui répondis affirmativement, et alors le S. P. prononça ces paroles remarquables qui resteront gravées, pour toujours, dans mon souvenir " Que Dieu lui pardonne, car pour moi, je lui ai déjà pardonné ! ....

Le Commissaire de police de Lyon, avait eu l'attention d'envoyer un petit panier de provisions, il s'y trouva entr'autre chose des pommes et des oranges ; Je mis dans la voiture, quelques pommes que le S. P. sucçait avec la pelure, faute de couteau.

Dans tout ce voyage, l'on ne s'arrêtait ordinairement qu'à neuf ou dix heures du matin, et dans la première maison qui se présentait sur la route. L'on y faisait du chocolat pour le S. P. et jusqu'à onze heures du soir, il fallait se condamner au jeune : l'on mettait une petite bougie éclairée dans la voiture du S. P. on lui donnait un œuf et un bouillon quand il s'en trouvait ; toutes les portes des maisons, où l'on s'arrêtait étaient fermées soigneusement, il y avait peu de monde pour servir, tout se faisait, pour ainsi dire, dans l'obscurité des ténèbres, et sans bruit, nous ne mangions un morceau qu'à la hâte, et il fallait continuer notre marche, je resta dans la voiture du S. P. jusqu'à Montargis, à quatorze lieues de fontainebleau, et là, Mr Porta y remonta et reprit sa place. Il n'y eut rien de remarquable jusqu'à l'arrivée du S. P. à sa destination, Mais à fontainebleau, lorsque le cortège du S. P. se présenta aux portes du chateau, le concierge ne voulut point les ouvrir malgrè les ordres du Capitaine, il fallut aller descendre au Palais du Sénat, maison très propre et assez commode, les voitures entrerent dans la cour dont on ferma les portes ; on descendit le S. P. de la voiture, le Capitaine Lagorsse avec un officier de la gendarmerie le porterent dans sa chambre, et il expedia un courrier à Paris, qui fut de retour à neuf heures du soir, et à son arrivée le S. P. fut transféré au chateau.

Tel est la relation que je puis, Monsieur, vous donner, de ce voyage qui s'est fait en quatre jours et demi, du Mont-cenis, où il ne s'est dressé aucun procès-verbal, jusqu'à fontainebleau, où nous arrivames le vendredi 19 juin sur environ midi. J'apprens avec la plus grande satisfaction et je me félicite de sçavoir que Sa Sainteté ne m'a point oublié et qu'elle daigne même mettre quelques prix aux faibles soins qu'il m'a été permis de lui donner, et certe ce souvenir genéreux de sa part, me dédomage d'une manière inapprétiable. Du voyage qui m'a conduit à l'honneur de l'accompagner, et quand je n'aurais pas même reçu, du Capitaine Lagorse, les frais de mon voyage, je me trouverais encore plus que satisfait par l'événement qui m'a mis dans le cas d'avoir l'honneur d'être connu de Sa Sainteté.

Je vous prie donc Monsieur, puisque vous voulez bien vous interefser à moi et me servir auprès du S. P. Déposer à ses pieds l'hommage de mon profond respect et de mon vif amour qui ne s'étindront, pour lui qu'avec ma vie, heureux si je puis me conserver un place dans son souvenir.

Tels sont les vœux et les souhaits que forme celui qui a l'honneur d'être avec le respect le plus distingué.


Monsieur.
Votre très humble et très obéissant serviteur.  
Le chirurgien Claraz.


Je vous prie, Monsieur, de me faire la grace de m'accuser la réception de la présente ? pour ma règle, et me rappeller au souvenir de Monsieur le Docteur Porta en le priant d'agréer mes sincères respects. Je prierai encore de la même commifsion pour Monseigneur Bertasol.

Claraz


Archives personnelles de Claude Claraz




Fontainebleau





Cliquer sur la carte pour l'agrandir


Morceaux de noyer façonnés à l'herminette avec cloutaison entièrement forgée, provenant de la chaire de la chapelle de l'hospice du Mont Cenis.

Cette très belle chaire offerte au début du 19ème siècle par Napoléon 1er fut détruite par erreur en 1964 lorsqu'un bulldozer abattit le pan de mur sur lequel elle s'appuyait.

Morceaux récupérés sous la pierraille par Guy Simandoux (1964) chef de la Section Principale Terre au Barrage du Mont-Cenis et donnés à Claude Claraz en 2004.




Photos Claude Claraz 2005



L'intérieur de l'église paroissiale de l'hospice du Mont Cenis

Collection privée de Gilbert Pilloud



Description historique du Mont Cenis



Hospice du Mont Cenis



Hospice du Mont-Cenis avant la construction du barrage en 1963
 Archives mairie de Lanslebourg 




Antonio Canova, Buste de Pie VII, 1804-1807. Marbre, hauteur 71 cm
Musée national du Château de Versailles



Armoiries pontificales du pape Pie VII




Tombeau de Pie VII par Bertel Thorvaldsen. Chapelle Clémentine de la basilique Saint-Pierre à Rome -1831-

 



Arrestation du pape Pie VII par le Général Radet dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809 Au palais du Quirinal à Rome.

 Musée Chiaramonti